Politique et diplomatie - 1960 : année de l’Afrique
Sauf imprévu, l’année 1960 apparaîtra comme une année africaine. Sans doute, n’aura-t-on pas attendu ces derniers mois pour noter l’importance sans cesse accrue de l’Afrique sur l’échiquier international. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale — guerre qui mit en valeur l’intérêt stratégique essentiel de l’Afrique septentrionale mais au cours de laquelle l’Afrique subsaharienne demeura dans la zone des arrières — sept nouveaux États africains ont fait leur entrée dans le concert des États indépendants : la République Arabe Unie, africaine au moins par sa province égyptienne (proclamée en février 1958), la Libye (indépendante depuis novembre 1949), le Soudan (indépendant depuis janvier 1956), le Ghana (indépendant depuis mars 1957), le Maroc (indépendant depuis mars 1956), la Tunisie (indépendante depuis mars 1956), enfin la Guinée (indépendante depuis septembre 1958).
Dans la seule année 1960, un concours de circonstances fait que six nouveaux États africains accéderont à l’indépendance : trois ex-territoires sous tutelle : le Togo, le Cameroun et la Somalie italienne ; un territoire ayant statut de colonie : le Congo Belge ; la Fédération de Nigeria, créée en octobre 1954 et la Fédération du Mali qui s’est constituée par l’union de deux Républiques membres de la Communauté créée par le référendum de septembre 1958, la République du Sénégal et la République du Soudan. Sans doute, bien des détails restent indéterminés quant à la procédure d’accession à l’indépendance de ces divers États et bien des problèmes restent posés pour certains d’entre eux, quant aux conditions essentielles de leur existence en tant qu’États. Tel est, par exemple, le cas de l’ex-Somalie italienne dont on ne voit pas encore à quel avenir elle est destinée ; ainsi en est-il aussi du Congo Belge et de la Fédération du Mali dont la structure institutionnelle et les liens d’association avec les anciennes métropoles sont actuellement l’objet de négociations à Bruxelles et à Paris. Mais quelle que soit la marge d’indétermination qui demeure sur des questions essentielles ou accessoires, il est avéré que ces six États seront indépendants avant la fin de l’année.
La signification de ces faits est évidemment considérable et les chancelleries des grandes puissances ne s’y trompent pas. Cela signifie d’abord que dans une Afrique peuplée en gros de deux cents millions d’habitants un nouveau groupe comptant près de soixante millions d’habitants va accéder à la souveraineté internationale. Dans ce groupe, le Nigeria vient en tête avec 35 millions d’habitants, puis le Congo Belge avec 13 millions d’habitants, la Fédération du Mali avec 5 millions d’habitants, le Cameroun avec 3 millions d’habitants, le Togo avec 1 million d’habitants. Égypte comprise, les pays indépendants d’Afrique ayant reçu leur indépendance depuis 1944 totaliseront cent millions d’habitants auxquels doivent être ajoutés les dix-sept millions d’habitants de l’Éthiopie (Érythrée incluse), seul pays d’Afrique qui, mis à part l’intermède de l’occupation italienne, a su conserver au cours des siècles son indépendance.
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