La Force nucléaire stratégique française
Durant la campagne présidentielle, certains ont dénoncé avec vigueur ce qu’ils appellent « la force de frappe française ». Le débat sur ce point, capital puisqu’il concerne notre destin, c’est-à-dire la survie de notre pays et aussi la liberté de sa politique extérieure, semblait, depuis la fin de la crise de Cuba, en 1962, avoir fait place, dans l’opinion publique, à d’autres préoccupations. Aucune grave crise en Europe n’avait en effet suivi le dénouement de celle de Berlin. Avant le scrutin du 5 décembre cependant, la politique de défense du Général de Gaulle a été mise en cause publiquement par ses adversaires. Ce fait nouveau peut paraître justifier aujourd’hui l’intérêt d’un examen aussi objectif que possible des raisons profondes à la base de la création et du développement progressif de notre force de dissuasion.
Il faut dire force de dissuasion et non force de frappe (1). Le second terme, en effet, évoque l’idée d’une force dont on entend se servir, dont l’emploi, par conséquent, s’insère vraiment dans les plans de guerre. L’hypothèse d’un conflit atomique ne peut être certes totalement exclue. Les États-Unis et l’U.R.S.S. ne sauraient la négliger dans leurs préparatifs de défense. Mais le pouvoir de destruction des armements nucléaires est si grand et l’efficacité des moyens de protection si dérisoire que la stratégie atomique de notre temps a pris la forme d’une stratégie de dissuasion. Elle est une stratégie de simple menace potentielle bien différente de la stratégie de guerre qui se pratiquait au temps où n’existaient que les armes classiques.
C’est en partant de cette idée, trop souvent oubliée ou méconnue — les hommes prisonniers des conceptions antérieures, ayant une tendance naturelle à considérer l’arme atomique sous l’angle de la stratégie d’emploi — qu’il convient d’examiner rapidement les impératifs qui ont guidé le Général de Gaulle et son Gouvernement dans la création d’une force française moderne. En même temps, doivent être indiquées les réponses à opposer aux principaux arguments adverses, notamment en ce qui concerne l’inutilité ou le danger de cette force et la charge exacte qu’elle représente. Enfin, doivent être rapidement marquées les conséquences bénéfiques de l’existence et du perfectionnement de l’arme atomique française pour notre recherche scientifique et nos industries. Il ne sera pas inutile de souligner en terminant, combien les Gouvernements successifs de la IVe République se sont préoccupé d’un problème dont le caractère vital leur est clairement apparu. Ils sont, à son sujet, arrivés à la même conclusion que la Ve République. C’est faute d’une volonté arrêtée et persévérante qu’ils n’ont pu conduire ce problème jusqu’à sa solution.
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