Depuis quelques années, après la période de l’unipolarité américaine (1991-2001), nous vivons un interrègne aux contours incertains. Donald Trump, avec sa politique imprévisible, remet en cause des notions comme l'ordre libéral mondial et les alliances. Des ouvrages récents, tels que Géopolitique et géoéconomie du monde contemporain, offrent des instruments de réflexion pour comprendre ce monde complexe. Ils explorent les distinctions entre géographie politique, géopolitique, géoéconomie et géostratégie, et analysent les défis actuels comme les ressources naturelles et les conflits. L'Europe, confrontée à des défis sans précédent, doit trouver sa place dans ce nouvel ordre mondial en constante évolution.
Among the books —Geopolitics and geoeconomics of the contemporary world
For several years now, following the period of American unipolarity (1991-2001), we have been experiencing an interregnum with uncertain contours. Donald Trump, with his unpredictable policies, is challenging notions such as the liberal global order and alliances. Recent works, such as Geopolitics and Geoeconomics of the Contemporary World, offer tools for understanding this complex world. They explore the distinctions between political geography, geopolitics, geoeconomics, and geostrategy, and analyze current challenges such as natural resources and conflicts. Europe, facing unprecedented challenges, must find its place in this new and constantly evolving world order.
Depuis quelques années, après la courte période de l’unipolarité américaine (1991-2001), nous sommes entrés dans un long interrègne, duquel non seulement nous ne sommes toujours pas sortis, mais dont les contours, sont devenus encore plus incertains. Le retour de Donald Trump, par ses voltefaces permanentes, son brouillage continuel de l’espace médiatique et sa « politique du fou » rebattent les cartes, au point que bien des notions sont remises en cause : ordre libéral mondial, alliances, the West versus the Rest (« l’Occident contre le reste de l’Univers »), sans parler de la gouvernance mondiale, foulée aux pieds presque quotidiennement. Pour y voir plus clair, nous ne manquons pas d’instruments d’analyse qui nous aident à mieux comprendre le monde, à défaut de prévoir les chemins qu’il empruntera.
« Tout ce qui est sage a déjà été pensé, il faut essayer seulement de le repenser encore une fois » écrivit Goethe (1749-1832), qui visitait son chêne sur la colline d’Ettersberg, où fut implanté le camp de Buchenwald en 1937. C’est peut-être cette pensée à l’esprit que, sous la direction des professeurs Guibourg Delamotte et Cédric Tellenne, une trentaine d’auteurs ont revu et augmenté l’ouvrage de base Géopolitique et géoéconomie du monde contemporain, Puissance et conflits. Au-delà de son aspect manuel, avec sa série de chapitres, agrémentés de maints encarts ou tableaux, et finissant chacun par une abondante bibliographie, c’est un très utile instrument de réflexion et un appel à l’action. En plus ramassé, Marc Semo livre La géopolitique, comprendre le monde en 100 questions qui, avec le coup d’œil aigu du journaliste, ajoute le recul de l’historien.
Géographie politique – géopolitique – géoéconomie – géostratégie
Ces deux ouvrages approfondissent tout d’abord, la distinction entre géographie politique – géopolitique – géoéconomie – géostratégie, ce qui est salutaire tant le terme de géopolitique a eu tendance à s’étendre et englober tout le domaine international ou de la vie politique. La première ne se réfère qu’aux enjeux idéo-logiques visant un territoire donné, alors que la seconde relève des défis purement géographiques, comme l’est aujourd’hui la quête d’accès directs aux minerais critiques ou aux terres rares. Au point que l’on doit se demander si la course aux minerais stratégiques et aux terres rares, dans laquelle l’Union européenne (UE) s’est enfin lancée n’est pas appelée à se substituer (plutôt compléter ou précéder) à la course aux armements. On trouvera dans Géopolitique et géoéconomie du monde contemporain, Puissance et conflits, de copieux articles portant sur les ressources naturelles (agricoles, eau), énergétiques ou minérales. Le lien entre faim, insécurité alimentaire et dérèglement climatique, avec ses conséquences sur les conflits internes et les migrations saute plus que jamais aux yeux, et c’est à l’Europe, plus que tout autre continent au monde d’en subir les effets. Sans rentrer dans le détail, observons ici que la Russie, devenue première exportatrice mondiale de blé depuis 2015, qui a su maintenir ses exportations d’hydrocarbures, et dispose de réserves de matériaux critiques et de terres rares, figure comme une gagnante, ce qui – on le sait – attire l’équipe Trump. Ce n’est pas par hasard que les Magnificant Seven, les sept firmes de la high tech américaine, dont la capitalisation boursière avait atteint 12 trillions de dollars en 2014 (12 % du PIB mondial) ont rejoint la bannière du Make America Great Again (MAGA), ce mouvement qui proclame vouloir « rendre sa grandeur à l’Amérique ».
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