Politique et diplomatie - Après Nassau
En cette fin d’année 1962, il était permis de penser que certaines des importantes questions qui intéressent l’Alliance Occidentale, devraient être bientôt résolues, dans un sens ou dans l’autre. Au premier rang, parmi ces questions, figure la position de la Grande-Bretagne par rapport à l’Europe des Six. Les problèmes que pose la relation de la Grande-Bretagne avec le groupement des Six États continentaux qui ont constitué la C.E.E. sont à la fois d’ordre technique et politique. Les aspects techniques de ces problèmes sont étudiés dans le cadre des négociations entre experts qui depuis plusieurs mois réunissent à Bruxelles britanniques et représentants des Six.
Quant aux problèmes politiques, on pensait qu’ils seraient sans doute abordés dans les conversations que M. Macmillan et le Général de Gaulle ont eues à Rambouillet les 15 et 16 décembre. Le Premier Ministre britannique n’avait-il pas un grand intérêt à tirer de ces entretiens quelque argument qui lui permette au moins de renforcer sa position politique assez compromise auprès de l’opinion britannique. Malheureusement pour le Premier Ministre, ce voyage s’est situé à un moment aussi peu favorable que possible. En effet, la nouvelle rendue publique quelques jours avant son départ que les États-Unis avaient pratiquement décidé d’abandonner la production du Skybolt, remettait en question tout le programme d’armement du gouvernement de Londres. Dans l’incertitude où il se trouvait, des décisions auxquelles la volte-face américaine allait contraindre le gouvernement britannique, M. Macmillan ne pouvait, à supposer qu’il en ait eu l’intention, suggérer un développement de la coopération franco-britannique dans le domaine des armes modernes, domaine où précisément certains pensent que résidait la clé de l’engagement britannique en Europe. Mais toute initiative dans cette direction était rendue impossible du fait que M. Macmillan devait attendre pour savoir quelle serait dans l’avenir la politique britannique en matière d’armement, d’en avoir discuté aux Bahamas avec le Président Kennedy. En conséquence, les entretiens de Rambouillet furent cordiaux mais décevants.
Depuis les entretiens et les accords Kennedy-Macmillan de Nassau, le problème politique que pose la relation de la Grande-Bretagne à l’égard de l’Europe est devenu encore plus compliqué qu’auparavant. En effet, la philosophie des accords rendus publics par le communiqué du 21 décembre est que la Grande-Bretagne va se trouver encore plus étroitement liée qu’auparavant aux États-Unis dans le domaine militaire. L’existence même de l’arme nucléaire britannique dépendra de la livraison par les États-Unis du vecteur pour l’emploi des fusées Polaris. La Grande-Bretagne inaugure donc, avec les États-Unis, une nouvelle politique que l’on peut définir comme une stratégie commune des moyens. La charge financière imposée par l’effort d’armement britannique reste toutefois strictement nationale, puisque les Britanniques devront payer de leurs propres deniers non seulement les sous-marins et les ogives nucléaires qu’ils produiront eux-mêmes, mais aussi les fusées qu’ils devront acheter, et qui coûtent cher. D’autre part, les accords de Nassau prévoient que les forces britanniques ainsi constituées seront incluses dans une « force nucléaire multilatérale de l’OTAN ». Une réserve toutefois, qui, nous dit-on, n’est pas qu’une clause de style : le Premier Ministre britannique s’est réservé la possibilité d’utiliser ces forces d’une manière indépendante lorsqu’il aurait décidé que les intérêts nationaux suprêmes sont en cause. Le caractère national des contributions américaines, britanniques et le cas échéant françaises, à la force multilatérale serait donc en principe maintenu. Il en serait autrement des contributions des autres alliés qui, elles, seraient proprement « intégrées ». Les États-Unis, eux, fourniront à cette force navale multilatérale de l’OTAN une contribution au moins égale à celle que fourniraient les Britanniques. Mais alors que les Britanniques, d’après le texte du communiqué, donneront tout ce qu’ils ont, ce qui, vu le coût financier, ne sera pas considérable, la contribution américaine à cette force multilatérale laissera en dehors du contrôle de l’OTAN la plus grande partie des forces nucléaires dont disposent les États-Unis.
Il reste 64 % de l'article à lire







