Politique et diplomatie - L’évolution des rapports américano-soviétiques
Le moins que l’on puisse dire est que cette seconde moitié de l’année 1963 témoigne d’une transformation sensible du système international préexistant. Une double évolution caractérise en effet cette période ; ou plutôt deux séries d’événements corrélatifs y prennent place qui révèlent ce que l’on n’était qu’en droit de supposer.
La première série d’événements concerne les relations sino-soviétiques (1), la seconde concerne les relations entre l’Union soviétique et les États-Unis. L’échange d’articles de presse et de notes diplomatiques entre Pékin et Moscou a rendu publics un certain nombre de faits que la diplomatie du bloc soviétique — si bloc il y a désormais — avait tout intérêt à garder secrets. Nous savons, par exemple, par une déclaration chinoise du mois d’août que l’Union soviétique avait, en 1957, promis à la Chine de l’aider à se donner une capacité nucléaire et que cet accord a été rompu par Moscou en 1958, peu de temps avant la visite en Union soviétique du vice-président Nixon, au moment, par conséquent, où M. Khrouchtchev préparait son voyage aux États-Unis, lequel devait avoir pour couronnement les entretiens de Camp David avec le Président Eisenhower. On sait aussi que les Chinois reprochent aux Soviétiques non seulement d’avoir désapprouvé l’action militaire chinoise contre l’Inde mais aussi d’avoir pratiquement accepté la solution des « deux Chines », solution qui serait acceptée par Washington et qui consisterait à admettre la Chine populaire au sein des Nations Unies, en conservant à Formose un statut d’État autonome distinct de la Chine continentale. Si ces allégations chinoises — que les Russes contestent — sont justifiées, on pourrait en tirer cette conclusion que l’Union soviétique a adopté dans ses rapports avec la Chine précisément la position qui pouvait faciliter un rapprochement avec les États-Unis. À Washington on est en effet soucieux avant tout — cela a été dit maintes fois — d’éviter la multiplication des États dotés d’une capacité nucléaire, et la Chine préoccupe à cet égard les États-Unis plus que tout autre État. D’autre part, on sait à Washington qu’il ne sera pas indéfiniment possible de tenir la Chine en dehors des Nations Unies et l’on pense aussi qu’il n’est pas souhaitable que Pékin soit exclue de l’Organisation internationale alors que la signature de la Chine au bas d’accords éventuels de sécurité est considérée comme indispensable. En d’autres termes, si les Chinois disent la vérité, la politique de Moscou est, en quelque sorte, allée au-devant de la politique de Washington.
En Europe, l’Union soviétique recherche pour le moment la légalisation du statu quo, c’est-à-dire de la division de l’Allemagne et le maintien de la République fédérale dans une situation contrôlée et à un niveau militaire sous-atomique. L’Union soviétique estime sans doute aussi que l’armement nucléaire français, si modeste soit-il, constitue pour sa politique un obstacle supplémentaire et crée un précédent dont d’autres pays, l’Allemagne fédérale au premier chef, seraient conduits, tôt ou tard, à s’inspirer. Or, sur ces deux prétendus dangers : l’armement nucléaire de la France et l’éventualité d’un armement nucléaire allemand, la position de Washington va, en quelque sorte, au-devant de la position soviétique. Washington a tout fait pour éviter l’armement nucléaire français et fera tout pour éviter un armement nucléaire autonome de l’Allemagne fédérale (2).
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