À propos des ouvrages de Paix et Guerre entre les Nations de Raymond Aron et de The Strategy of Conflict de Thomas C. Schelling.
Politique et diplomatie - La théorie des relations internationales à l’âge nucléaire
Le souci de rendre intelligibles les relations internationales n’est pas réservé aux historiens et aux sociologues ; il appartient aussi aux chefs d’États et, d’une manière générale, à tous ceux qui ont pour mission d’éclairer l’opinion publique. Pour comprendre une affaire internationale déterminée, disons, par exemple, la question de Berlin ou la crise de Cuba, il faut en effet avoir un minimum de connaissances théoriques sur les rapports entre États.
Raymond Aron, dans son livre « Paix et Guerre entre les Nations » (1) (p. 20) définit ces rapports comme les « relations entre unités politiques dont chacune revendique le droit de se faire justice elle-même et d’être seule maîtresse de la décision de combattre ou de ne pas combattre ». À la page 28 du même ouvrage, il écrit que « la théorie des relations internationales part de la pluralité des centres autonomes de décision (les États) donc du risque de guerre ; et de ce risque elle déduit la nécessité du calcul des moyens ». Cette définition est dans la ligne de pensée de Clausewitz auquel Raymond Aron se réfère d’ailleurs à plusieurs reprises dans le premier chapitre de son ouvrage. L’essentiel de cette définition, ce qui caractérise les relations internationales, c’est qu’elles sont dominées par la guerre ou le risque de guerre. Clausewitz, que cite Raymond Aron (op. cit., p. 18) l’exprimait d’une manière imagée : « La politique (internationale) est la matière dans laquelle la guerre se développe, ses linéaments déjà formés rudimentairement s’y cachent comme les propriétés des créatures vivantes dans leurs embryons ».
Mais Clausewitz, dans le même passage, compare la guerre au commerce « qui est aussi un conflit d’intérêts et d’activités humaines ». Clausewitz, par conséquent, et après lui Raymond Aron (2) estiment que la guerre et les relations internationales entrent dans la catégorie plus générale des conflits : « elle est un conflit de grands intérêts, réglé par le sang et c’est seulement en cela qu’elle diffère des autres conflits » (3). Mais revenons à la définition d’Aron : « la théorie des relations internationales part du risque de guerre et de ce risque, elle déduit la nécessité du calcul des moyens » ! En d’autres termes, la rationalité du comportement des États en matière de politique extérieure (calcul des moyens et, peut-on ajouter, fixation des objectifs) est fonction du risque de guerre.
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