Défense dans le monde - Amérique du Nord - Canada : présence militaire canadienne en Europe - Amérique latine - Panama : les négociations américano-panaméennes sur la zone du canal - Colombie : état de siège
Amérique du Nord - Canada : présence militaire canadienne en Europe
Nous avons publié dans notre numéro d’août-septembre un article sur les forces armées du Canada et la participation de ce pays à la défense aérienne du continent nord-américain (NORAD). Nous aborderons aujourd’hui les problèmes que pose la modernisation des forces canadiennes en Europe.
Réduites de moitié en 1970, les forces canadiennes en Europe sont actuellement fortes de 5 000 hommes (1). La participation canadienne à l’Otan fait de nouveau l’objet de discussions au sein du gouvernement.
La nécessité de pourvoir au remplacement des chars Centurion en 1976 et des Canadair CF-104 Starfighter vers 1980 est à l’origine de l’étude sur la réorganisation des forces canadiennes en Europe entreprise par le ministre de la Défense. Trois facteurs entrent en ligne de compte.
Le budget de la défense canadien est modeste ; avec 2,8 milliards de dollars pour l’exercice 1975-1976, soit 1,8 % du PNB, il n’est que le 4e poste budgétaire de la loi de finances. Les dépenses de fonctionnement y occupent en outre une part prépondérante : 12 % seulement, soit 346 millions $, y sont consacrés à l’équipement. Les dépenses nécessaires à la modernisation des forces dépassent largement les possibilités financières du ministère de la Défense et exigeraient une modification des priorités gouvernementales.
La participation à l’Otan ne vient qu’au troisième rang des priorités de la défense canadienne, après la protection de la souveraineté et la défense de l’Amérique du Nord au sein du NORAD. Or, une difficulté supplémentaire vient du fait que le type de forces nécessaires sur le théâtre européen est inadapté aux besoins purement canadiens ; ainsi le Canada est-il dans la position unique, au sein de l’Otan, d’entretenir une brigade mécanisée alors que sa défense nationale exige des éléments légers, à roues et aérotransportables.
Enfin, indépendamment de la réprobation que ne manquerait pas de susciter auprès des Alliés une nouvelle diminution de l’effort canadien, une telle mesure risque de paraître inopportune avant la fin des négociations de Vienne sur la réduction des forces (MBFR) et peu compatible avec les efforts déployés par la diplomatie pour rechercher une forme d’association avec l’Europe des Neuf.
Dans ce réseau de contraintes, la marge de manœuvre du gouvernement est étroite.
Il peut décider de s’en tenir au statu quo ; en ce cas la priorité doit être donnée aux forces canadiennes en Europe, ce qui entraînera un retard important dans la réalisation des objectifs arrêtés pour les forces stationnées au Canada. Parmi les solutions étudiées figurent la refonte des Centurion ou la location de chars Leopard à l’Allemagne de l’Ouest, les Canadiens estimant ne pouvoir s’en remettre à des alliés pour l’appui de leurs unités mécanisées.
Un rapatriement partiel des forces est également envisagé. Le maintien en Europe de la brigade mécanisée seule serait source d’économies mais ne résoudrait pas le problème du remplacement de ses blindés ; quant au maintien du seul groupe aérien, il permettrait d’atteindre 1980 sans dépenses nouvelles mais donnerait à la présence canadienne un caractère symbolique.
Le Canada est donc à l’heure d’un choix difficile. M. Trudeau a réaffirmé à Bruxelles, puis lors de la visite à Ottawa du ministre allemand des Affaires étrangères, son attachement à une participation active de son pays à l’Otan ; il s’est engagé à ne pas retirer de forces sans consultation préalable des partenaires du Canada, tandis que M. Richardson, ministre de la Défense, donnait l’assurance que le niveau de la contribution militaire canadienne resterait inchangé même si les formes qu’elle peut prendre se modifient.
En fait, il n’est pas impossible que la décision, attendue pour cet été, soit repoussée à des jours meilleurs : la détérioration de la situation économique a conduit le gouvernement à présenter à la fin du mois de juin un rectificatif au projet de budget fédéral. Les dépenses y subissent une diminution d’un milliard de dollars, ce qui ne sera pas sans affecter les crédits attribués à la défense.
Dans ces conditions, le maintien en Europe des forces canadiennes en leur état actuel pourrait constituer une solution d’attente.
Amérique latine
Panama : les négociations américano-panaméennes sur la zone du canal
Les parlementaires nord-américains ont récemment manifesté leur opposition à toute limitation de la souveraineté des États-Unis sur la zone du Canal. De son côté, le gouvernement panaméen attend des concessions significatives de la part de Washington. Ces exigences opposées soulignent les difficultés rencontrées par l’Administration du président Ford pour la mise au point du nouveau traité.
Dans ses négociations avec les dirigeants panaméens, le gouvernement nord-américain semble être arrivé à un accord sur les grandes lignes du projet de traité. La zone retournera sous la souveraineté panaméenne après un délai à fixer. Durant la période transitoire, certaines dispositions concernant la juridiction panaméenne entreront en vigueur immédiatement (police, justice, postes et télécommunications) et d’autres par étapes (gestion et défense du canal).
Mais les applications pratiques de ce schéma d’ensemble suscitent d’importants points de désaccord entre les deux parties. La durée de la période de transition reste difficile à déterminer : les États-Unis proposent 50 ans, le Panama 25 ans. L’aménagement de cette période transitoire apparaît également malaisé : les Panaméens souhaiteraient la substitution d’une entreprise nationale à l’actuelle Compagnie du Canal, la neutralisation de la voie d’eau et la disparition rapide des bases militaires nord-américaines : Washington désire au contraire que la gestion et la défense communes du canal se fassent en respectant, pour l’essentiel, les structures actuelles.
Le gouvernement des États-Unis doit non seulement mener ces difficiles négociations avec le Panama, mais également affronter une opposition importante au sein du Congrès.
En mars 1975, 37 Sénateurs sur 100 ont voté une résolution exprimant leur hostilité à tout retrait nord-américain de la Zone du Canal. Plus récemment, en juin, à l’occasion du débat sur le budget du Département d’État, les députés ont approuvé l’amendement Snyder (2) : ce texte interdit l’utilisation de crédits pour mener des négociations visant à l’abandon des droits des États-Unis sur la Zone du Canal. L’attitude des parlementaires encourage d’ailleurs les 30 000 civils nord-américains de la Zone (les « Zonians ») à poursuivre leur propre « campagne anti-traité » par le biais de l’association créée à cet effet : le « Conseil civique du Pacifique ».
Les négociations entre les États-Unis et le Panama ont pris valeur de symbole pour toute l’Amérique Latine qui attend une preuve concrète de la volonté de « nouveau dialogue » proclamée par Washington. Un échec de ces conversations pourrait donc entraîner des conséquences très graves : actions violentes des Panaméens pour obtenir par la force ce qui n’a pu l’être pacifiquement ; tension dans les relations des États-Unis avec l’ensemble du sous-continent.
Colombie : état de siège
Le 26 juin 1975, le gouvernement colombien a décidé l’état de siège pour mettre fin à plusieurs semaines de désordres violents.
De mai à juin 1975, la Colombie a vécu une période de crise essentiellement marquée par les événements suivants : rumeurs de complot militaire et limogeage du chef de l’Armée de terre ; destitution du recteur de l’Université de Bogota, entraînant des manifestations estudiantines dans les principales villes : grèves ouvrières pour protester contre la cherté de la vie : nette recrudescence du banditisme (enlèvements contre rançon) et de l’activité des mouvements de guérilla (attaques de patrouilles militaires).
Face à cette situation, le gouvernement a tout d’abord proclamé l’état de siège dans trois départements, puis dans tout le pays. Dans le même temps, il a lancé d’importantes opérations de contre-guérilla. Deux jours après l’état de siège généralisé, 5 000 personnes avaient été arrêtées et l’ordre régnait de nouveau en Colombie.
Mais les problèmes demeurent. Ces événements récents traduisent en effet le mécontentement d’une grande partie de la population après un an de présidence de M. Lopez Michelsen. Ce dernier a certes promis de faire progresser les grands projets nécessaires au développement socio-économique du pays : réforme agraire, diversification de l’économie, redistribution des revenus, participation et intéressement des travailleurs. Mais dans l’immédiat le chef de l’État n’a pas pu résoudre les problèmes urgents de la Colombie : l’inflation (20 %), la hausse des produits de première nécessité, la contrebande alimentaire, le chômage, l’insécurité, la fraude fiscale, les scandales financiers, les trafics d’influence. M. Lopez Michelsen, à défaut de lutter efficacement contre cet état de choses, a fait un constat en forme d’impuissance en déclarant : « nous nous heurtons à quelque chose de plus difficile à combattre que l’opposition : la décomposition ».
En Amérique latine, la Colombie apparaît comme un des rares pays dotés d’un régime démocratique et d’une armée aux fonctions strictement militaires. La persistance et l’accentuation des difficultés actuelles pourraient rapidement conduire à une remise en cause du système politique colombien et de l’apolitisme des forces armées. ♦
(1) Elles sont articulées en :
– Une brigade (2 800 hommes) à deux bataillons mécanisés et un bataillon de chars Centurion (4e groupement de combat mécanisé à Lahr).
– Un groupe aérien à trois escadrons de 18 CF-104 (1er groupe aérien à Baden Soellingen).
(2) Député républicain du Kentucky dont l’amendement a été adopté par 246 voix contre 164.







