Asie - Incertitude politique en Inde
À l’issue des élections générales qui se sont déroulées du 21 avril à la mi-mai 1996, la défaite annoncée du Parti du Congrès s’est bien produite, mais sans qu’une majorité se détache suffisamment pour permettre la formation d’un gouvernement assuré d’un soutien fidèle à la Lok Sabha (Chambre basse). Le Bharatiya Janata Party (BJP) ou Parti du peuple indien, hindouiste, bien qu’étant arrivé en tête, confronté à l’hostilité de l’ensemble des autres partis, n’a pu trouver une majorité. Une coalition de gauche a formé un gouvernement qui ne peut tenir que grâce à la neutralité du Parti du Congrès dont il devient l’otage.
Devenue indépendante en août 1947, l’Union indienne avait, depuis, été gouvernée presque sans interruption par le Parti du Congrès, et plus particulièrement par la famille Nehru dont les quatre principes de base furent : la démocratie, la laïcité, le socialisme et le non-alignement. Indira Gandhi (sans lien de famille avec le mahatma Gandhi), fille du Premier ministre Jawaharlal Nehru, avait, en janvier 1966, succédé à son père. Une première alternance s’était produite après la défaite du Congrès, lors des sixièmes élections générales, en mars 1977. Morarji Desaï, chef du Janata Party (Parti du peuple), né de la fusion du Parti socialiste et du Parti nationaliste hindou, était devenu Premier ministre jusqu’à la dissolution du Parlement, suite à une scission au sein du Janata, en août 1979. La crise de ce dernier avait permis au Congrès de se rétablir, et à Madame Gandhi de reprendre la direction du pays en janvier 1980. Son assassinat par ses gardes du corps sikhs, suite à l’assaut du temple d’or d’Amritsar en juin, n’a pas mis fin au règne de la famille. Son fils, Rajiv Gandhi, lui succéda en novembre 1984. Son parti fut cependant battu aux neuvièmes élections générales de novembre 1989, et V. P. Singh, chef du Janata Dal (centre gauche) forma le nouveau gouvernement. Mis en minorité, celui-ci tomba en mars 1991. Alors qu’il semblait bien placé pour revenir aux affaires, Rajiv Gandhi est assassiné par des séparatistes tamouls du Sri Lanka en mai 1991. Sa veuve, italienne, refuse de prendre la direction du Congrès qui échappe alors à la famille Nehru, et c’est P.V. Narasimha Rao qui devient chef du parti et Premier ministre en juin 1991.
La période Nehru-Gandhi était caractérisée, comme la décrit Alexandre Adler, par « un socialisme parlementaire à la britannique, aristocratique dans le recrutement de ses représentants, autarcique et planificateur à la soviétique, mais également peu corrompu à l’échelle du Tiers-Monde, respectueux des formes libérales et culturellement anglo-saxon jusqu’à la moelle des os ». La période de Rao, jusqu’en mai 1996, a été caractérisée par le lancement d’un vaste programme économique libéral, mais aussi, sous la pression du BJP, par la fin de la tolérance à l’égard des musulmans, symbolisée par la destruction de la mosquée d’Ayodhya par des extrémistes hindous et les massacres ethniques qui l’ont suivie en décembre 1992, et par une série de scandales qui ont provoqué la démission de plusieurs de ses ministres pour corruption. Au sein du Congrès, Narasimha Rao, accusé par certains d’avoir enterré le socialisme indien, souffrant de ses complexes sociaux de brahmane du Sud, engagé dans de sourdes luttes souterraines pour le contrôle du parti qui ont conduit à la défection de plusieurs « poids lourds », a miné ses positions et celles de son parti. La faiblesse de ses réactions et ses promesses non tenues après l’affaire d’Ayodhya lui ont fait perdre le soutien d’une bonne partie des quelque 100 millions de musulmans, soit 12 % de l’électorat, dont il avait fort besoin. Le maintien de son soutien à Jayalalita, qui avait fait l’unanimité contre elle au Tamil Nadu, et d’autres mauvais choix d’alliance font que son parti est passé de 259 députés à 139, tout en faisant le jeu des partis régionaux opposés au Congrès.
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