Asie - La nouvelle politique asiatique de Washington
Lorsqu’il fit son entrée à la Maison-Blanche, en janvier 1993, l’expérience politique de Bill Clinton se limitait à quatre mandats de gouverneur d’un petit État du Sud. Sa première législature avait été marquée par une attitude de confrontation des États-Unis avec les pays d’Asie, et avec la Chine en particulier. Ce comportement général, qui n’était pas sans contradictions en raison de conseillers aux vues opposées, avait été décrit dans notre chronique de novembre 1994 sous le titre « Les déboires de Clinton en Asie ». Le début du second mandat du président américain s’ouvre sur une volonté affirmée d’une nouvelle politique, à l’opposé de la première. Il n’est pas certain que, si les objectifs américains restent les mêmes, ils puissent être atteints plus facilement par d’autres moyens.
Bill Clinton aura été, depuis la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays, le premier président des États-Unis à ne pas avoir fait le voyage à Pékin pendant son premier mandat. Il avait fait de l’amélioration de la situation des droits de l’homme et de la fin de la prolifération des armements les deux sujets qui devaient décider des relations de son pays avec les États concernés, la Chine étant la plus visée par ces questions. Après avoir, une première fois, en 1993, renouvelé le statut de la nation la plus favorisée sous condition d’une amélioration des droits de l’homme, ce statut économique fut reconduit sans aucune condition l’année suivante, malgré une absence totale du moindre progrès. Mieux, la visite à Pékin du secrétaire d’État Warren Christopher avait été marquée par des humiliations et des provocations, dont l’arrestation de nombreux dissidents. En ce qui concerne la prolifération des armements, en particulier celle des missiles et des différents composants pouvant servir à la mise au point d’armes nucléaires, l’échec a été le même. La crise produite par la vente au Pakistan d’aimants circulaires pouvant servir à l’obtention de plutonium a été étouffée, quand Washington s’est contenté de l’explication selon laquelle le gouvernement chinois avait été tenu dans l’ignorance de cette tractation effectuée par une entreprise d’État !
Washington déclare vouloir maintenant montrer à l’égard de Pékin une « attitude constructive ». Ce renversement de politique en a surpris plus d’un. Pendant sa dernière campagne électorale, au cours d’un banquet, quelqu’un demanda à Bill Clinton pourquoi il restait aussi intransigeant envers Cuba alors qu’il changeait d’attitude avec la république populaire de Chine, accusée des mêmes maux. Sa seule réponse fut que celle-ci n’avait pas abattu deux avions civils américains. Dans ce cas, on pourrait lui rétorquer que la junte birmane non plus, alors que la diplomatie américaine fait pression sur les pays de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Ansea) pour que Rangoun ne puisse y adhérer en raison du manque de démocratie dans ce pays. En fait, Washington a compris son impuissance à faire changer la Chine par des pressions et, qu’au contraire, toute crise ouverte conduisait Pékin à prendre des mesures de rétorsion qui se traduisaient par des pertes de contrats pour les firmes américaines au profit de leurs concurrents européens. L’exemple du futur avion de cent places que la Chine va construire en coopération avec un consortium européen au détriment de Boeing a été un message entendu. Le problème, pour Washington, est de savoir si la question des droits de l’homme, le Tibet, Taiwan, Hong Kong, le problème des quotas pour le textile, les atteintes à la propriété intellectuelle et industrielle valent plus que les immenses marchés à obtenir dans d’autres secteurs et si, par ailleurs, la reprise du dialogue stratégique est une obligation absolue.
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