Passerelle entre l’Europe et les pays d’Afrique du Nord, et situé à la charnière de la civilisation occidentale et du monde musulman, le Maroc occupe une position stratégique importante, valorisée par ses débouchés sur les façades atlantique et méditerranéenne. Sous la conduite du roi Hassan II (sur le trône depuis 1961), le royaume chérifien est devenu un pays moderne qui possède beaucoup d’atouts le désignant comme un « dragon potentiel » à l’image de ceux de l’Asie. Cet ancien protectorat français peut en effet s’enorgueillir d’une économie diversifiée, cas rare en Afrique, qui s’appuie sur un secteur agricole performant (40 % de la population active), un tissu industriel varié, avec cependant une situation dominante dans l’exploitation des phosphates, des ressources halieutiques intéressantes et un potentiel touristique particulièrement bien organisé.

C’est précisément le juste équilibre entre la mise en valeur des atouts du monde rural et des secteurs secondaire et tertiaire qui a permis à ce territoire du Maghreb de passer en trois décennies d’un État féodal plusieurs fois centenaire à un État dynamique respecté dans le monde entier, d’une économie de subsistance à une économie de marché industrielle, d’un régime absolu à un régime représentatif, le tout dans le respect des traditions les plus fortement établies. C’est ce que tente de nous démontrer avec succès Michel Laurent dans son ouvrage particulièrement bien documenté. Conseiller municipal dans le chef-lieu de la Gironde et président de l’association Bordeaux-Aquitaine-Maroc depuis 1981, l’auteur est à l’origine, sous l’autorité de M. Jacques Chaban-Delmas, du jumelage en 1988 de sa ville avec Casablanca. Il est donc extrêmement bien placé pour apporter un témoignage d’expert sur le Maroc d’aujourd’hui.

L’étendue des sujets abordés confère une vue complète des problèmes actuels de cette monarchie du Maghreb : la place de la femme dans la société marocaine, le délicat débat sur l’immigration, l’évolution institutionnelle et politique, le point des relations franco-marocaines, les questions liées au développement des transports et de l’urbanisme, les potentialités économiques, culturelles et surtout humaines, ainsi que l’opportunité de l’ancrage du Maroc à l’Europe sont traités d’une façon pédagogique permettant au lecteur d’approfondir ses connaissances sur cette partie du globe en pleine mutation.

Certes, les esprits critiques prétendront que la description de la mariée est trop belle. Le grand mérite du livre est toutefois de poser les véritables questions relatives à l’avenir de cette terre arabe où abondent les particularismes. Le message de Michel Laurent est clair. Nos chefs d’entreprise doivent absolument placer des pions pour mieux pénétrer ce « marché émergent » situé seulement à quelques kilomètres de l’Europe. La sélection judicieuse des interviews d’hommes politiques (Charles Pasqua, Philippe Séguin, ministres marocains…) et de hauts responsables économiques des deux pays nous autorise à porter un jugement sur l’utilité de déclencher une nouvelle dynamique de coopération entre deux nations qui possèdent des liens historiques, culturels et affectifs indéniables. En outre, la précieuse collaboration de Serge Ruel, ancien élève de l’École polytechnique et autrefois chargé de mission à la direction de la prévision du ministère de l’Économie, donne à la partie technique de ce document une garantie de sérieux indiscutable. ♦