Libre compte rendu du colloque du 5 octobre 2006 au Conseil de l’Europe sur le thème « Les outils de l’indépendance de l’Europe ».
Les outils de l'indépendance de l'Europe
Instruments for ensuring Europe's independence
A report of a seminar held by the European Academy, Forum Carolus, the Rhine-Volga Association and la Lettre Sentinel at the Council of Europe, Strasbourg, on 5 October 2006.
Le 5 octobre 2006, l’Académie européenne, le Forum Carolus, l’Association Rhin-Volga, et la Lettre Sentinel, organisaient à Strasbourg, au Conseil de l’Europe, un colloque consacré aux outils de l’indépendance européenne. Durant les dernières années, les prises de position en faveur d’une Europe-puissance se sont multipliées parmi les six pays fondateurs de l’Union, de manière plus prononcée en France, et cela tant à droite qu’à gauche. Le débat sur les grandes questions de l’avenir européen que l’on pourrait résumer à l’alternative Europe-puissance versus Europe-marché traverse les grands clivages politiques traditionnels.
Toutefois, les réflexions sur l’Europe-puissance ne sont pas suffisamment suivies d’un travail sur les moyens à donner à une Europe capable de maîtriser les technologies de souveraineté. Les outils de l’indépendance de l’Europe, ou la déclinaison opérationnelle des moyens de l’Europe-puissance, tel était le sujet de cette journée de travail. À ceux que le terme de puissance rebute encore, Hajnalka Vincze, spécialiste hongroise des questions de défense et de sécurité européenne, ancienne experte au ministère hongrois de la Défense et collaboratrice de la Lettre Sentinel, a rappelé quelques évidences salutaires, à savoir que « le refus de la puissance mène à l’impuissance et que le refus de l’indépendance mène à la dépendance ». Peut-être inspirée par l’histoire passée de son pays, elle précisa aussi que « la puissance et l’indépendance sont indispensables à l’expression d’une authentique démocratie » puisque « c’est l’autonomie de décision et d’action de l’État qui donne un sens au vote des citoyens, en leur offrant la possibilité de vrais choix, et, par là, la maîtrise de leur destin ». Les quatre grands ateliers de travail de ce colloque étaient consacrés aux exigences d’une Europe souveraine ; aux bases industrielles et technologiques de la défense européenne ; au partenariat énergétique UE-Russie ; et enfin aux instruments de financement des grands projets européens par un Livret d’épargne européen, sujet sur lequel l’Académie européenne travaille depuis plusieurs années en faisant appel à des experts des questions financières.
En introduction, Jean-Luc Schaffhauser, président de l’Académie européenne, principal organisateur du colloque avec le Forum Carolus, résuma l’enjeu : « Depuis l’échec du projet de constitution européenne, on a coutume de dire que l’Europe est en panne. Il convient cependant de ne pas se tromper dans l’interprétation que l’on donne à cet échec. Comme on l’a vu lors de la crise irakienne, les citoyens européens y compris ceux des nouveaux pays membres sont massivement pour une Europe indépendante affirmant sa singularité sur la scène internationale. Ils veulent que l’Europe existe à l’échelle de l’histoire et qu’elle pèse dans les grands enjeux planétaires. Nous avons donc le sentiment que le rejet de la constitution européenne traduit surtout un désintérêt pour une Europe réduite à un grand marché, de surcroît dépourvu de sens en l’absence de préférence européenne pour les grands achats stratégiques. Alors que s’affirment les ambitions des États-Unis, de la Chine ou de l’Inde, nous avons la conviction que l’Union européenne doit résolument rechercher la puissance et que c’est en affichant cet objectif qu’elle retrouvera le soutien des citoyens européens ». Henri de Grossouvre, directeur du Forum Carolus, le think tank européen strasbourgeois, a ensuite souligné la spécificité du rôle européen de Strasbourg, en rappelant que cette ville était naturellement une des capitales de l’Union ; « Strasbourg abrite aussi des institutions qui accueillent les pays de la plus grande Europe continentale, d’Europe centrale jusqu’en Russie, comme le Conseil de l’Europe, ou l’Assemblée des régions d’Europe ». La spécificité du rôle européen de Strasbourg est donc continentale, démocratique, et surtout politique, et ainsi dans la droite ligne de la réflexion pour laquelle les participants au colloque du 5 octobre s’étaient retrouvés à Strasbourg. Son Excellence Orlov, ambassadeur permanent de la Fédération de Russie auprès de Conseil de l’Europe, déplora que les relations entre la Russie et le reste de l’Europe soient marquées par une succession de rendez-vous manqués : « Depuis qu’un certain 6 juillet 1989 Mikhaïl Gorbatchev a lancé, ici même, au Conseil de l’Europe, le projet de construire la Maison commune européenne, peu de progrès ont été faits ». Sans minimiser la complexité des origines de cette méfiance persistante entre les pays de l’Union européenne il a estimé que la cause fondamentale était « un manque d’ambition politique de la part des Européens ». Plaidant pour une « Europe à géométrie variable », une Europe à l’image des matriochkas (poupées gigognes russes), il a cependant émis le souhait que, par le jeu des conventions, la Russie et l’UE puissent constituer « un grand pôle de puissance capable de défendre notre civilisation commune ». Il a par ailleurs précisé que cette alliance continentale « n’avait pas vocation à combattre des ennemis, mais à relever des défis ».
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