Affirmant leurs valeurs comme modèles de référence absolus et engendrant une paralysie stratégique par l’imposition de la force, les nations aux ambitions hégémoniques semblent favoriser la création de leur double inversé. En ce sens, l’hyperterrorisme, qui utilise des méthodes asymétriques contournant le blocage et les règles édictées par les maîtres du jeu international, n’est-il pas l’enfant illégitime de l’hyperpuissance ? Une lecture hegelienne pourrait fonder un essai de compréhension sur le combat identitaire qui se joue, derrière la simple lutte physique, entre celui qui se sent asservi et son oppresseur, réel ou présumé…
Hyperpuissance et hyperterrorisme : la dialectique des maîtres et des esclaves
Hyperpower and hyperterrorism: the master/slave dialectic
Nations with hegemonic ambitions proclaim their values as the absolute standard of reference and impose strategic paralysis by force, seemingly encouraging the creation of their mirror image. In this sense, hyperterrorism, which uses asymmetrical methods to get round the obstacles and rules laid down by the masters of the international game, is surely the illegitimate child of hyperpower. A Hegelian approach can help us to understand the identity struggle, which lies behind the purely physical struggle, being played out between those who feel themselves enslaved and their oppressors–real or imagined.
« L’esclave établissait, dans sa protestation, l’existence du maître contre lequel il se révoltait. Mais, en même temps, il démontrait qu’il tenait dans sa dépendance le pouvoir de ce dernier et il affirmait son propre pouvoir : celui de remettre continuellement en question la supériorité qui le dominait jusqu’ici ». Albert Camus, L’Homme révolté
De l’unilatéralisme des puissants
Par l’attitude impérialiste qu’ils ont adoptée dès leurs origines, et qui transparaît dès la formulation de la doctrine Monroe, mais aussi avec la politique du « Big Stick » énoncée par Théodore Roosevelt, les États-Unis se sont positionnés en « maîtres » du monde. Cette domination s’est exprimée dans le domaine économique et militaire, mais également sur un plan culturel. Arbitre des conflits et régulateur des flux commerciaux, représentant de valeurs morales normatives prétendues universelles, promoteur d’un American way of life et leader d’un modèle occidental qui veut voir dans les pays non-occidentaux des entités pas encore parvenues au stade de leur pleine maturité, les États-Unis, empruntant tour à tour les armes du soft power et du hard power, imposent leurs règles de conduite sur l’échiquier international.
Si les critiques émises à l’encontre d’une nation qui se comporte parfois de façon tyrannique sous la bannière de la liberté, et si les tentatives effectuées par les États opprimés pour s’en émanciper, apparaissent légitimes, il semble cependant difficile de reprocher à une puissance la volonté de se préserver en tant que telle, en vertu de cette tendance toute naturelle que Spinoza baptise conatus (1), et dans laquelle on peut déceler, plus prosaïquement, l’expression d’un instinct de survie. Il est également aisé de concevoir qu’ayant atteint le stade suprême de l’hyperpuissance, celle-ci se soit progressivement enfermée, à l’instar de Gygès le Lydien (2), dans la grisante spirale d’une liberté d’action, supposée sans limites, et du sentiment d’invulnérabilité qui en découle, propices à certaines dérives.
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