La lecture de plusieurs livres récents amène à se poser trois questions iconoclastes : le management n’est-il que magie ? (Jean-Michel Théron : Le pouvoir magique. Les techniques du chamanisme managérial). L’Occident peut-il encore gagner des guerres ? (Arnaud de La Grange et Jean-Marc Balencie : Les guerres bâtardes ; Vincent Desportes : La guerre probable, Penser autrement). La « guerre contre le terrorisme » n’est-elle pas une dangereuse chimère ? (Christian Choquet : Le terrorisme n’est pas la guerre).
Critique de livres : la bibliothèque de l'avocat du diable
Books reviews: the library of the devil's advocate
Three iconoclastic questions are raised by books published in France recently. Is management little more than illusion? (Jean-Michel Théron, Le pouvoir magique. Les techniques du chamanisme managerial). Is the West still capable of winning wars? (Arnaud de La Grange and Jean-Marc Balencie, Les guerres bâtardes; Vincent Desportes, La guerre probable, Penser autrement). And isn’t the ‘war on terror’ a dangerous delusion? (Christian Choquet, Le terrorisme n’est pas la guerre).
Jean-Michel Théron : Le pouvoir magique. Les techniques du chamanisme managérial (Pearson, 2008, 176 pages).
Les grandes armées du monde contemporain — et l’armée française probablement aussi — sont toujours plus soumises aux injonctions de la gestion et du management. Elles s’inspirent de plus en plus souvent, et en toute bonne foi, des méthodes et usages du secteur privé. Cet effet de mode est-il sans risques ? Les solutions miracles de l’univers du business et de sa rationalité managériale sont-elles si pertinentes ?
L’Occident moderne se veut en effet rationnel, animé en toute chose par une démarche scientifique ; mais ce rationalisme proclamé, tant dans la conduite des affaires publiques que privées, ne serait-il pas un leurre, un masque, une nouvelle ruse de la raison ? La pensée magique n’habiterait-elle pas nos idées et nos comportements apparemment les mieux façonnés par le positivisme ? Les structuralistes en sont convaincus ; mais en avons-nous des exemples dans la vie quotidienne, celle du travailleur ou du consommateur ? Regardons les marchés. Leur vie est faite de mythes et de croyances magiques insoupçonnés. Personne n’ignore plus, depuis Adam Smith au XVIIIe siècle, l’existence d’une providentielle « main invisible » assurant l’équilibre spontané des marchés. La « main invisible » ressemble bien à un dieu caché et bienfaiteur. Jamais personne n’a vu ni même démontré sa pertinence scientifique et, pourtant, cette croyance, toute magique, fait autorité. Et, dans une dérive toute animiste, ne confère-t-on pas aux marchés une personnalité propre, des humeurs et des opinions : « le marché pense que… ».
Il reste 92 % de l'article à lire
Plan de l'article