Politique et diplomatie - Un tournant dans les rapports Ouest-Est ?
En schématisant, toute politique extérieure peut être jugée selon deux critères : ou bien selon la conformité aux définitions morales de ce qui est juste et de ce qui est injuste, ou bien compte tenu de la plus ou moins grande concordance entre ce qui était visé et ce qui a été atteint.
Dans le premier cas, le jugement de valeur sur une politique peut être formulé dans l’absolu ou tenir compte d’une casuistique qui s’efforce d’apprécier aussi, à partir des décisions initiales, la légitimité des moyens d’application. Dans le deuxième cas, ce sont les résultats qui comptent en fonction des objectifs que s’étaient fixés les décideurs. Mais dans ce dernier cas — faut-il le souligner ? — il est essentiel que les objectifs aient été d’abord clairement définis, que leur valeur ait été rigoureusement pesée comme les risques encourus dans l’action envisagée, et que les moyens requis pour atteindre lesdits objectifs aient été prévus puis mis en place avec autant de soin que possible. J’ai signalé dans un article de cette revue l’exemple que constituaient à cet égard la préparation et l’exécution par Bonaparte de l’expédition d’Égypte en 1798 (1). Bonaparte savait où il voulait aller, pourquoi il avait choisi d’aller en Égypte. Il avait mesuré les chances de succès et les risques d’échec ; l’affaire avait été précédée d’un intense et minutieux travail de réflexion et de préparation.
J’ai, dans ce même article, avancé l’idée que dans l’ère nucléaire où nous sommes entrés depuis bientôt 40 ans, de telles réflexions et préparations stratégiques apparaissent singulièrement limitées voire interdites, dès lors qu’on envisage l’éventualité d’un emploi de l’arme nucléaire dans les rapports entre puissances qui la possèdent. Mais au niveau infra-nucléaire où la politique conserve son rôle — qui est, si l’on peut dire, d’obtenir par d’autres moyens ce que la guerre est censée donner — l’exemple de Bonaparte en 1798 conserve toute sa valeur. Notons seulement, pour en terminer avec cette réflexion de portée générale, que l’expédition d’Égypte avait dans les conditions de l’époque, 50 % de chances de succès. Son échec ne traduit ni une réflexion insuffisamment poussée sur la définition des objectifs, ni une préparation insuffisante et une erreur d’appréciation sur les moyens, mais une conjonction de circonstances défavorables en définitive, après avoir été favorables au départ, dues aux insuffisances des hommes en place et aux échecs des armées de la République sur le théâtre européen.
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