Bien que l’Alliance atlantique ait été officialisée dans les Traités, celle-ci doit encore se faire non seulement militairement, mais surtout mentalement. Or les Européens, mus par leur neutralisme, ne semblent pas avoir compris la nécessité de s’appuyer sur les États-Unis en attendant d’être plus forts ; tandis que les États-Unis, aveuglés par leur orgueil, n’ont pas pris conscience de leur besoin d’une Europe soudée. Les divers conflits d’intérêt opposant les nations occidentales doivent cependant être surmontés afin que puisse se dégager une véritable doctrine atlantiste, gage de l’efficacité de l’Alliance.
Un esprit atlantique est-il possible ?
La mise en place des états-majors interalliés, le regroupement de forces disparates sous un commandement unique, l’intégration jamais réalisée jusqu’à présent des forces alliées, sont autant d’indices concrets d’une volonté de réaliser un outil de défense multinational efficace. Cette volonté est-elle purement américaine ? Est-elle fondée sur la crainte collective d’un danger réel ou imaginaire ? Repose-t-elle vraiment sur un esprit de solidarité fondé sur une communauté à la fois d’esprit et d’intérêts ou bien se constitue-t-elle sous la pression des événements contre les grandes tendances nationales ou se situe-t-elle dans le sens général du devenir historique ? Existerait-elle indépendamment du problème commun de défense ou aurait-elle existé naturellement entre pays démocratiques occidentaux vivant sur un même héritage commun ? Autant de problèmes sur lesquels politiciens, sociologues, militaires, historiens se penchent tout à loisir.
Le but de cet essai n’est pas de dégager des facteurs d’une quelconque philosophie de l’histoire mais, beaucoup plus modestement, de juger si, à la lumière des quelques données militaires actuelles, une communauté atlantique vivante apparaît viable. Tout d’abord une telle communauté est-elle désirable ? Le problème est ici purement politique et il n’y a pas lieu d’en discuter. Elle a été créée artificiellement, c’est un fait. La France, conjointement avec treize autres pays, a signé le Traité de l’Atlantique-Nord le 6 avril 1949. Cependant, le fait de signer un traité est une chose, le fait de créer une opinion collective atlantique en est une autre, incomparablement plus difficile. Les accords peuvent prévoir un remarquable développement économique, militaire ou même un progrès social en commun, si l’esprit public reste réticent, réservé, voire hostile à toute forme de coalition à prédominance américaine tous les efforts sont vains. Sans parler de sabotages, inerties coupables, actions criminelles de cinquièmes colonnes, qui risquent de freiner les opérations militaires, il est celui autrement plus grave de la désintégration psychologique de l’immense masse européenne, qui déjà chancelante en temps de guerre froide peut constituer un terrain de propagande à la merci du premier totalitarisme venu.
Un homme politique proclamait récemment que le but des nations libres n’était pas tant d’endiguer le torrent totalitaire que d’assécher progressivement la marée. Un tel assèchement n’est véritablement possible que si une doctrine, un esprit, une charte des pays libres, s’impose avec une telle évidence, une telle force persuasive, une conviction religieuse si intense, que d’une part les membres des nations libres sont, prêts à lutter pour défendre leurs vies, pour imposer cet idéal et que d’autre part parallèlement l’adversaire totalitaire soit contraint à une défensive permanente. En fait, la défense psychologique ainsi conçue se confond avec l’attaque psychologique, la seule compatible en temps de guerre froide, la seule rentable face à un ennemi passé maître dans l’exploitation à son profit de tous les thèmes de l’adversaire.
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