Politique et diplomatie - Gouverner au temps de la mondialisation
En cette fin des années 90, la mondialisation s’impose comme une notion fourre-tout, expliquant toutes les évolutions actuelles. Or ce que les hommes sont en train de vivre, c’est une révolution : il s’agit non seulement d’une explosion des flux — de biens, de services, d’informations, d’images, d’idées… —, des réseaux — d’entreprises, d’associations, d’individus… —, mais aussi de l’entrée dans une nouvelle ère technique et scientifique, de l’extraordinaire développement des communications aux progrès de la génétique. La mondialisation, loin d’être une cause, est une conséquence ou une facette parmi d’autres de cette mutation. En particulier, les derniers cloisonnements — traditions, cultures —, les ultimes forteresses — Cuba, Corée du Nord… — se disloquent. L’apparition d’un espace économique et financier mondial ne peut être séparée d’autres phénomènes, dans lesquels s’interpénètrent constamment globalisation et fragmentation : transformations du travail, urbanisation proliférante, mise à mal des hiérarchies.
L’État se trouve bien malmené par cette vague de fond. L’État bureaucratique et démocratique est le produit d’une histoire toujours en cours, celle de l’Europe depuis le Moyen Âge. Cet État moderne a été modelé par des conditions précises : guerres tant extérieures qu’intérieures ; unification du territoire par des moyens à la fois techniques (routes, chemin de fer) et politiques (formation d’une administration nationale) ; constitution d’une conscience commune, pouvant exiger le sacrifice suprême des individus. L’Europe ayant ouvert et conquis la planète, l’État est devenu un cadre universel, comme le souligne l’Organisation des Nations unies, association de 185 États souverains. Aujourd’hui, le plein accomplissement d’un peuple exige, semble-t-il, qu’il se dote d’un État ; telle est l’ambition des Palestiniens, tel est le rêve des Kurdes.
En même temps, cet État semble inadapté à la mondialisation. Enraciné dans un territoire aux frontières précises, il n’a guère d’autre solution que de laisser pénétrer les flux de la mondialisation — des marchandises aux investissements, des touristes aux films — indispensables à sa prospérité, mais ces flux bousculent ses capacités de contrôle et sa cohésion. Cet État responsable se heurte à un dilemme de fond : doit-il donner la priorité à l’adaptation de sa population à la compétition ou à la solidarité sociale ? Dans le premier cas, il s’engage dans une restructuration de l’État providence (ainsi l’Angleterre thatchérienne) ; dans le second cas, il tente avec beaucoup de mal de se préserver (ainsi la France et l’Allemagne). Enfin, un État, c’est un pouvoir légitime, mais pour quoi faire ?
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