Les précédents articles de l'auteur sur le renseignement ont suscité de nombreuses réactions. Dans l’article ci-dessous, il aborde d’autres aspects de ce sujet délicat. Il y mêle les sentiments d’inquiétude et les notes d’optimisme. Les premiers naissent de l’observation de certains dysfonctionnements ; les secondes concernent notamment les atouts technologiques de la France dans le domaine spatial.
La crise d'identité du renseignement
La soudaineté des séismes politiques et économiques qui viennent d’ébranler le monde au cours des dix dernières années a surpris la quasi-totalité des observateurs. La chute du mur de Berlin, l’effondrement de l’empire soviétique, la guerre du Golfe, la désintégration de la Yougoslavie, les dramatiques bouleversements en Afrique centrale (Rwanda, Congo-Brazzaville, Congo démocratique ex-Zaïre), l’instauration de situations anarchiques dans certains États (Albanie, Liberia, Somalie) et la tempête monétaire en Asie ont mis en route une dynamique d’incertitudes qui a conduit la plupart des services de renseignement à s’interroger sur l’efficacité de leur organisation et la rentabilité des méthodes d’analyse prévisionnelle. Les commentateurs ont été également désorientés par l’arrivée brutale sur l’échiquier de la diplomatie internationale de nouveaux acteurs comme la Chine. Dans l’histoire récente du monde, autant d’événements imprévisibles ne se sont jamais produits en une période aussi courte. Dans ce bateau ivre de l’actualité, un constat inquiétant s’impose : les politiciens et les économistes ont souvent subi les situations au lieu de les prédire pour mieux les affronter. Ce phénomène a engendré parfois des commentaires rédigés sous l’emprise de l’émotion, voire de la panique. De telles circonstances ont ainsi provoqué des attitudes totalement irrationnelles qui ont déstabilisé certains marchés financiers. Dans ce climat d’épouvante, les consciences des spécialistes du renseignement ont été troublées.
Les mauvais génies de l’affolement
La crise économique qui vient de frapper l’Asie orientale constitue un exemple caractéristique de la confrontation qui oppose souvent l’univers virtuel de la panique au monde réel de l’analyse réfléchie.
Le monde virtuel de l’épouvante
L’afflux mal contrôlé de capitaux, ainsi que le maintien d’une parité artificielle entre certaines devises asiatiques surévaluées et un dollar en forte hausse ont ébranlé les économies des dragons de l’Extrême-Orient. La chute brutale des monnaies thaïlandaise, indonésienne, philippine et malaise a déclenché une atmosphère de fièvre dans les marchés financiers de la région. Les détenteurs de ces devises ont été pris de panique lorsqu’ils ont compris brusquement que la montée du billet vert rendrait intolérable l’endettement avec lequel, jusque-là, ils vivaient très bien. La crise a ensuite atteint le won coréen et le yen japonais, pourtant non liés au dollar. Obsédés par l’ivresse du profit, les spéculateurs ont entamé un processus anarchique de déplacements de capitaux qui a déstabilisé non seulement les Bourses locales, mais aussi celles de Wall Street, Paris, Francfort, Londres… La tourmente monétaire a réduit la solvabilité des emprunteurs, affolé les épargnants et contraint de nombreux dirigeants de l’Asie du Sud-Est à revoir à la baisse certains projets de développement.
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