Après avoir évoqué assez brièvement dans nos chroniques les essais nucléaires que l’Inde et le Pakistan ont effectués au mois de mai dernier, il était souhaitable de publier des articles de fond sur cet événement et ses conséquences possibles. L'acquisition des armes, les motivations, les résultats et les potentialités, tout comme les conséquences pour la non-prolifération et les conséquences géostratégiques sont ainsi tour à tour abordées.
Les essais nucléaires de l'Inde et du Pakistan hier, aujourd'hui, demain
En septembre 1996, l’Assemblée générale de l’Onu a approuvé le texte du traité d’interdiction des essais nucléaires, isolant ainsi l’Inde seule, avec la Libye et le Bhoutan, à s’y opposer. Les essais qui ont eu lieu au mois de mai dernier étaient sans doute en partie une réplique de l’Inde à cette défaite cinglante, un défi que le Pakistan a immédiatement relevé, malgré les supplications des États-Unis et l’opposition de la Chine. Jusque-là, l’Inde et le Pakistan reconnaissaient qu’ils avaient les moyens de fabriquer des armes nucléaires, mais ils affirmaient, contre toute vraisemblance, qu’ils n’avaient pas l’intention de s’en doter. Cette fiction est désormais abandonnée, et cela oblige les autres États à rechercher si d’autres pays vont être incités à se procurer des armes, mais aussi à définir leur attitude envers deux États qui disposent d’arsenaux nucléaires, alors qu’ils sont juridiquement des pays « non dotés d’armes ». Cela oblige surtout à rechercher si cette nouvelle politique peut aggraver ou réduire le risque d’un conflit majeur dans la région.
L’acquisition des armes
C’est en 1974 que l’Inde avait réalisé une première explosion nucléaire, proclamée alors « pacifique », en utilisant le plutonium produit dans un réacteur connu sous le nom de Cirus et construit par des Canadiens (1) près de Bombay, dans la seconde moitié des années 50. Le plutonium avait été séparé dans une usine de retraitement bâtie par les Indiens. Par la suite, un réacteur plus puissant, Druwa, a été fabriqué sans assistance extérieure ; il est entré en service en 1988 et sert essentiellement à la production de plutonium pour la fabrication d’armes. À la fin des années 80, l’Inde a construit près de Mysore, dans l’État de Karnataka, une usine d’enrichissement de l’uranium par centrifugation. Comme elle exploite plusieurs réacteurs à eau lourde, l’Inde dispose aussi de tritium qu’elle a appris à extraire. Le programme militaire repose donc essentiellement sur l’utilisation du plutonium, mais les Indiens peuvent aussi utiliser de l’uranium hautement enrichi, et ils possèdent les matériaux nécessaires à la réalisation d’engins thermonucléaires.
Le Pakistan a certainement envisagé très tôt de suivre l’exemple de l’Inde, et après avoir acheté au Canada en 1965 un réacteur à uranium naturel et eau lourde pour la production d’électricité, Kanupp, fabriqué dans les années 60, il a commencé des pourparlers avec la France pour la construction d’une usine de retraitement. Les discussions, entamées en 1966, se sont poursuivies pendant plusieurs années, sans aboutir, jusqu’à l’explosion indienne de 1974. Le contrat pour la réalisation de l’usine de retraitement a alors été très rapidement conclu, avant d’être annulé en 1978 par le gouvernement français qui, dans l’intervalle, avait pris conscience des risques d’utilisation militaire de l’installation.
Il reste 92 % de l'article à lire
Plan de l'article







