Politique et diplomatie - La diplomatie des marges
Il est banal de dire que, sur le plan international, la marge d’initiative de chacun des pays d’Europe, pris individuellement, va sensiblement se réduire. Peu importent leur taille, leurs traditions, leurs réticences actuelles : ils seront tenus de se soumettre tôt ou tard aux décisions de l’Union qu’ils ont formée pour se sentir plus forts ensemble, de tenir compte peu ou prou des intérêts de leurs associés même si rien ne les y oblige formellement, et, pour les Onze de la monnaie unique, à discipliner leurs finances de façon stricte. De son côté, l’Alliance atlantique continuera à imposer de pesantes contraintes dans l’articulation et la conception même de la défense. Les Nations unies poursuivront leur grignotage sur les indépendances, tandis que des organisations à vocation technique, indéfiniment, fixeront des normes et élaboreront des interdits. Quant à la globalisation de l’économie, elle apportera son lot d’aliénations, sans parler de la pression des sociétés multinationales.
Les diplomaties européennes seront donc appelées à consacrer le plus clair de leur temps à préparer puis à mener de longues négociations à objectif restreint, où par surcroît il sera préférable de s’avancer en groupe, quitte à ravaler des ambitions qui feraient montrer du doigt. Elles auraient tort, cependant, de négliger les possibilités existant en marge de cette politique de concertation, et qui sont capitales. Encore leur faudra-t-il être davantage conscientes de l’importance de ces marges, avec notamment les puissances moyennes ou petites, et de l’intérêt d’en tirer profit. Et surtout, peut-être, des pièges qu’elles recèlent.
Les marges en politique
L’époque est passée, en effet, où les États à grand pouvoir maritime — l’Angleterre jadis, désormais l’Amérique — trouvaient sans peine des alliés éloignés qui, bon gré mal gré, leur permettaient de renforcer les marges de leurs positions lointaines ; c’était à peu de frais, à la différence de maintenant. Pendant cette période, les capitales qui se sentaient plutôt une vocation continentale, comme Paris, n’étaient pas en reste, sur leur propre terrain, pour mettre en place ce que l’on a parfois nommé des cordons sanitaires. Le sursis entre les deux guerres mondiales ne tardait cependant pas à nous montrer que de lourdes servitudes résultaient là aussi de la position de protecteur, et ce n’est pas sans raison que l’on a reproché à notre politique d’alors de ne pas en avoir suffisamment tenu compte. Notre diplomatie, mue par le souci de consolider les situations acquises, s’était liée par le biais de la Petite-Entente à des États des Balkans et de l’Europe centrale dépourvus de force réelle, mal stabilisés, n’ayant pas apuré leurs contentieux de voisinage et éloignés de l’Europe occidentale à beaucoup d’égards. Notre défense, par contre, restait statique, enracinée qu’elle était par la ligne Maginot, et, pour tout dire, insuffisamment soucieuse des obligations d’assistance que nous devions assumer.
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