Eric Denécé, responsable des relations avec les entreprises à l’École de guerre économique, et Gilles Sohm, secrétaire général de l’Institut de coopération sociale internationale (Icosi), sont les auteurs d’un rapport sur « l’intelligence humanitaire » paru en juin 1998. Ils nous donnent ici un aperçu du détournement de la vocation de l’action humanitaire auquel se livrent nos concurrents et s’interrogent sur l’absence de réaction française.
Libre opinion - Les ONG à la conquête des nouveaux marchés
Il est aujourd’hui banal de rappeler que, depuis la fin de la rivalité Est-Ouest, le nouveau mode d’affrontement entre les nations est devenu celui de l’économie. La guerre pour la conquête des marchés mondiaux à laquelle se livrent, dans tous les secteurs, États et entreprises, est devenue une réalité quotidienne. Dans cette compétition où les acteurs économiques s’affrontent sur le moindre contrat, les campagnes commerciales de nos concurrents sont largement appuyées par des opérations de renseignement, d’influence et par des stratagèmes de toutes sortes, qui contribuent efficacement à leur succès.
Une nouvelle perception de l’environnement concurrentiel se révèle donc indispensable, en particulier en ce qui concerne les activités des Organisations non gouvernementales (ONG) de toute nature. En effet, l’action humanitaire, partie intégrante de l’action politique d’un grand nombre de pays occidentaux, traditionnellement moyen de développement et d’assistance, est utilisée depuis peu comme un instrument d’influence économique et culturelle. Un certain nombre d’États développés en tirent parti pour se placer commercialement au cœur des nouveaux marchés ou des pays en sortie de crise. L’action humanitaire apparaît ainsi pervertie par des jeux d’intérêts et de puissance et détournée de sa finalité première, à tel point que l’on peut parler véritablement « d’intelligence humanitaire ».
La multiplication des stratégies d’influence sous couvert d’actions humanitaires ou de développement
Depuis quelques années, divers États occidentaux font systématiquement de l’entrisme dans des opérations humanitaires ou dans des projets de développement en vue d’en tirer des bénéfices économiques à moyen et long termes. À cet effet ont été conçues des stratégies très innovantes qui s’appuient sur un discours circonstancié, dans lequel la mise en avant de l’humanisme et l’apprentissage de la démocratie permettent d’utiliser la légitimité du développement au profit d’intérêts commerciaux. Ces méthodes visent à prendre le contrôle de nouveaux marchés, en participant activement à la reconstruction économique des pays en sortie de crise ou au lancement d’États durablement sous-développés, et à leur acheminement vers la démocratie.
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