Les Comores ont toujours entretenu des liens étroits, mais parfois controversés, avec la France. Ce territoire de l’océan Indien a en effet connu de nombreuses turbulences. Les dernières secousses ont mis en relief les graves déséquilibres entre les quatre îles qui constituent cet ensemble contrasté. C’est ce que nous démontre l’auteur de cet article sur « l’archipel des parfums » : il avait déjà traité des Comores et des mercenaires dans notre numéro de janvier 1996.
Comores : l'archipel éclaté
L’intérêt d’une analyse de l’archipel comorien ne tient pas à son importance économique (les seules ressources agricoles sont relativement limitées), ni à son poids démographique (650 000 habitants). Le particularisme des quatre îles qui le composent relève plutôt de leur position géographique : situé à la porte de l’Afrique et de l’Orient, cet ensemble insulaire commande la sortie septentrionale d’une route pétrolière qui demeure l’un des grands axes des échanges mondiaux. À ce paramètre stratégique, il convient d’ajouter un constat majeur qui caractérise cette contrée agitée : l’instabilité politique qui a été alimentée, au cours d’une histoire particulièrement tourmentée, par de perpétuelles luttes d’influence.
Une instabilité chronique
Les « sultans batailleurs »
Entre les Xe et XVe siècles, les Comores sont submergées par des vagues de migrations arabes, essentiellement en provenance de la cité iranienne de Chiraz (1). Ces incursions aboutissent à l’implantation définitive de l’islam dans l’archipel. Mieux armés, les nouveaux venus se rendent facilement maîtres de la région, soit par la force, soit par des alliances matrimoniales. Le paysage social de la zone est ainsi profondément bouleversé : la traditionnelle chefferie bantoue est remplacée par une organisation en sultanats. L’établissement de liens familiaux, par le biais de mariages, entre dynasties antagonistes perturbe fréquemment les relations entre les souverains, constamment troublés dans leurs situations conflictuelles par leur appartenance à un clan et en même temps par leur attache à une lignée. En outre, la pratique généralisée de la polygamie musulmane et l’absence de principe de succession bien établi rendent l’exercice de la généalogie comorienne particulièrement compliqué et alimentent des rixes incessantes. Pendant plusieurs siècles, les quatre îles comoriennes sont le théâtre de luttes féodales particulièrement violentes qui opposent les suzerains.
Pour les historiens, la contrée tranquille de l’océan Indien est devenue « l’archipel des sultans batailleurs ». Cet état d’antagonisme permanent a laissé des traces indélébiles. De nos jours, les joutes verbales et les intrigues de toutes sortes ont remplacé les armes. Les méfiances persistent entre les différents clans. Elles sont entretenues par les réminiscences des querelles intestines qui déchiraient les sultanats.
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