Les ambitions géostratégiques des États-Unis sont d'une grande clarté, mais la stratégie précise qu'ils veuilent mettre en place pour assurer leur organisation de la sécurité prête à discussions. C'est ainsi que s'exprimer l'auteure après avoir analysé soigneusement la politique américaine à l'égard de l'Europe au cours de ces années.
Les États-Unis et l'Europe : une nouvelle architecture de sécurité ?
Au sommet de l’Alliance atlantique qui s’est tenu à Berlin en juin 1996, l’Identité de défense européenne a été clairement reconnue : le communiqué final a fait référence à un commandement européen « identifiable et suffisamment structuré pour qu’une force militairement cohérente et efficace puisse être constituée rapidement » (1). Cependant, il ne semble guère que les États-Unis aient pour autant renoncé au leadership de l’Alliance. Selon Richard Holbrooke, alors directeur des affaires européennes au département d’État et, depuis, chargé de nombreuses missions dans les Balkans, les États-Unis sont désormais « une puissance européenne », qui doit participer à l’élaboration d’une nouvelle « architecture de sécurité » dans toute l’Europe, y compris la Russie (2). Cette architecture, on la voit se dessiner sous nos yeux avec l’élargissement de l’Otan, l’intervention américaine en Bosnie, peut-être demain au Kosovo. Si l’on en croit Brzezinski, « la colonne vertébrale de la sécurité européenne » devra s’étendre de la France à l’Ukraine, en passant par l’Allemagne et la Pologne, car l’Europe est « la tête de pont de la démocratie ». Ainsi, l’influence grandissante des États-Unis en Europe se justifie par l’idéal wilsonien d’un monde sans frontières ni guerres parce que fondé sur les valeurs démocratiques. Assurément, Clinton a repris les principes de son lointain prédécesseur dès sa première campagne électorale, et il les a toujours défendus par la suite (3). La politique américaine en Europe comporte également un volet géostratégique. Les liens transatlantiques conditionnent la maîtrise de l’océan Atlantique, comme de la Méditerranée et des Détroits turcs. « Si ces liens se distendaient, dit encore Brzezinski, c’en serait fini de la primauté de l’Amérique en Eurasie » (4).
Depuis deux siècles, la politique extérieure des États-Unis a toujours été un étroit mélange d’idéalisme et de réalisme géostratégique. Celle de Clinton ne fait donc pas exception à la règle. Encore faut-il savoir si l’alliage est solide et comment les États-Unis entendent le défendre.
L’Europe, un continent essentiel pour l’Amérique
Au cours de la décennie qui vient de s’écouler, les liens croissants que les États-Unis tissaient avec l’Asie ont parfois contribué à minimiser l’importance de leurs intérêts économiques et financiers en Europe, et tout particulièrement en Europe de l’Ouest. Pourtant, en 1995, 51 % des investissements américains étaient situés en Europe (5), essentiellement en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas et en France. Dans le domaine commercial, la prééminence est encore plus nette. À s’en tenir aux statistiques habituelles, le Canada, le Japon et le Mexique sont les trois premiers partenaires commerciaux des États-Unis ; mais si l’on considère les quinze pays de l’Union européenne comme une seule entité économique, alors ce sont eux qui sont le second client et le second fournisseur des États-Unis, suivant de très près le Canada (6). De plus, les bénéfices des multinationales implantées en Europe sont une source de rentrées importante pour la balance des paiements américaine.
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