Asie - L'Apec en panne
La Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) (1) a été fondée sur une initiative australienne en 1989. Depuis, cette organisation, qui ne prétendait au départ n’offrir qu’un forum de concertation, s’est considérablement développée, passant de douze à vingt et un pays membres. Après avoir marqué le pas lors de son sommet annuel en 1997, la dernière réunion, en novembre 1998 à Kuala Lumpur, a été celle de la cacophonie et des invectives. Est-ce la fin de l’Apec ?
Nous avons déjà exposé comment, après avoir ronronné pendant quatre ans, ce forum qui ne réunissait que des ministres et des experts (futurologues, économistes, hommes d’affaires), a pris une nouvelle importance, en novembre 1993, sur l’idée de Bill Clinton de réunir à cette occasion les chefs d’État et de gouvernement (2). Ces réunions des dirigeants des pays membres allaient ajouter une volonté politique de progresser. Dès l’année suivante, à la réunion de Bogor, en Indonésie, les dix-huit membres (les pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, les cinq pays de l’Asie du Nord-Est, les deux pays de l’Australasie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les trois pays de l’Amérique du Nord et le Chili) s’engageaient, après d’âpres marchandages, à établir la liberté du commerce entre eux, à partir de 2010 pour les pays industrialisés et 2020 pour ceux en voie de développement. Il leur avait fallu pour cela composer entre une vision asiatique, souple, et une vision anglo-saxonne qui aspirait à une institutionnalisation de l’Apec dont les décisions s’imposeraient aux États membres. Les États-Unis, Singapour et l’Australie étaient, bien sûr, les plus impatients. Dans le climat d’euphorie économique de l’époque, les pays les moins développés pouvaient espérer avoir atteint un niveau élevé dans les vingt-cinq ans accordés avant d’abattre complètement leurs frontières douanières, tout en profitant des ouvertures qui leur étaient proposées vers les pays développés.
C’est dans cet esprit, à la réunion suivante à Osaka les 16 et 17 novembre 1995, que les délégations arrêtèrent un calendrier, et à Subic Bay, aux Philippines, que les chefs d’État et de gouvernement publièrent, le 25 novembre 1996, une déclaration commune intitulée From Vision to Action. Le terme de vision était une allusion explicite à leur réunion, à Seattle, quand Bill Clinton avait exalté « la vision d’une nouvelle communauté du Pacifique ». À cette dernière réunion, chaque pays avait exposé son plan personnel pour remplir, progressivement à partir du 1er janvier 1997, les conditions du calendrier fixé à Osaka. L’ensemble de ces plans forment ce qui est depuis appelé le Mapa (Manila Action Plan for Apec). À cette réunion, les dirigeants politiques demandèrent également à leurs ministres de définir les secteurs qui pourraient le plus rapidement être libéralisés en raison de l’effet favorable que cela pourrait avoir sur le commerce, les investissements et la croissance économique dans les pays de l’Apec et dans ceux de la région. Par ailleurs, les experts étaient priés d’harmoniser les nomenclatures tarifaires et les procédures de dédouanement ainsi que la protection de la propriété intellectuelle. Réaffirmant la primauté de la mondialisation, les responsables des pays de l’Apec se désignèrent comme les chefs de file de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dont les membres étaient invités à suivre leur exemple. Pour répondre aux objections de ceux qui affirment que l’Apec doit aussi avoir pour mission d’aider les pays les plus pauvres à se développer, un quinzième paragraphe, très court, affirme : « Nous reconnaissons que notre vision d’une communauté ne peut se renforcer que si nos efforts bénéficient à tous les citoyens. En complément essentiel de notre agenda de libéralisation du commerce et de l’investissement, la coopération économique et technique aide les membres de l’Apec à participer plus complètement et à bénéficier d’un environnement de commerce ouvert et global, assurant ainsi qu’un commerce libéralisé contribue à une croissance soutenue, à un développement équitable et à une réduction des disparités économiques ».
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