Gendarmerie - La féminisation de la Gendarmerie (suite) : obstacles et perspectives
Incarné ces derniers temps sur le petit écran par la comédienne Corinne Touzet, séduisant(e) adjudant-chef dans la série Une femme d’honneur, le personnage du gendarme féminin s’est progressivement imposé dans la communauté « gendarmique ». Comme il a été indiqué dans la précédente chronique, la décision prise récemment de supprimer les quotas de recrutement pour les personnels officiers et sous-officiers laisse entrevoir un développement important de ce processus d’intégration amorcé depuis le début des années 70. Pour autant, malgré les efforts entrepris afin de féminiser une institution repliée depuis ses origines sur une masculinité intraitable, la présence de la femme sous l’uniforme se heurte encore aujourd’hui à un certain nombre d’obstacles et de résistances.
Ainsi l’observation de la réalité révèle combien le déroulement de carrière du gendarme féminin dépend, dans une large mesure, de sa situation familiale, tant il est vrai que le mariage et la maternité peuvent contraindre la femme à devoir opérer des choix, des arbitrages pouvant restreindre ses ambitions, ses orientations professionnelles. Cette conciliation entre activité professionnelle et vie familiale pose quotidiennement au gendarme féminin toute une série de problèmes, en particulier au regard du travail du conjoint et de la prise en charge des enfants. Ainsi, le gendarme féminin peut-il être amené à renoncer à tout avancement hiérarchique afin d’éviter la mutation qui accompagne immanquablement le changement de grade. À l’inverse, la mutation du conjoint peut conduire le gendarme féminin au célibat géographique dans l’attente plus ou moins longue d’une mesure de rapprochement, voire à la démission en cas de priorité consentie au travail de l’époux. Dans le même ordre d’idées, les impératifs du service dans les unités opérationnelles (disponibilité, travail de nuit, absence d’horaires fixes, déplacements…) peuvent contraindre le gendarme féminin à devoir renoncer à une activité professionnelle dynamique pour rechercher alors une affectation plus sédentaire dans un état-major ou un service logistique. Cette conciliation si problématique entre les exigences du métier et la vie de famille explique, pour une large part, le taux élevé de sous-officiers féminins quittant prématurément la gendarmerie (soit, entre 1984 et 1995, 19 % des personnels féminins recrutés au cours de cette période). Pour autant, cette importance des départs volontaires résulte également des difficultés d’adaptation de la femme au milieu « gendarmique », qui peuvent avoir pour origine le décalage entre ses attentes et la réalité du travail quotidien, mais aussi l’attitude des supérieurs hiérarchiques et des personnels de son unité d’affectation. L’intégration de la femme dans la gendarmerie est rendue, il est vrai, malaisée par la conjonction de trois principaux types de réticences et autres préjugés.
Principal argument invoqué par les détracteurs de la présence de la femme dans les rangs de la gendarmerie, le postulat de son infériorité physique apparaît manifestement dans les restrictions réglementaires apportées à la féminisation. De par son potentiel morphologique jugé insuffisant pour exercer les tâches afférentes au maintien de l’ordre, la femme se trouve ainsi exclue des formations de gendarmerie mobile et des missions de maintien de l’ordre (le sous-officier féminin affecté dans une unité de gendarmerie départementale ne pouvant ainsi participer à cette formation provisoire qu’est le PGRM : peloton de gendarmerie de réserve ministérielle). S’agissant de l’interdiction qui est faite aux officiers et sous-officiers féminins de servir au sein des unités d’infanterie et de cavalerie de la garde républicaine, cette argumentation fondée sur l’inaptitude physique de la femme se révèle plus que contestable. Elle conduit alors à s’interroger sur l’éventuelle duplicité du pouvoir politique qui insuffle une féminisation de bon aloi dans le système social, tout en confiant la protection et les services d’honneur rendus aux hautes personnalités de l’État aux seuls représentants du sexe prétendu fort. Les restrictions apportées à l’emploi des femmes dans les unités navigantes de la gendarmerie maritime et dans la protection des ambassades apparaissent également, par-delà les contraintes particulières de service (éloignement, promiscuité, épreuves physiques…), comme des séquelles d’une appréciation résolument sexiste du métier de gendarme.
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