Asie - Chine : l'économie au pouvoir
Après dix ans à la tête du gouvernement chinois, Li Peng, un des hommes les plus détestés du pays, a cédé, en mars 1998, le pouvoir à son adjoint, le très populaire Zhu Rongji. Pour la première fois, le pouvoir passe entre les mains des technocrates bien décidés à faire rentrer le plus rapidement possible la Chine dans l’économie mondiale. On est tenté de dire « enfin Zhu Rongji » : la population et les hommes d’affaires chinois le disent ouvertement. Dans le domaine politique, le nouveau Premier ministre est loin de donner le ton. Ne commettons pas la même erreur qu’avec Deng Xiaoping. La volonté d’ouverture économique n’est pas liée à celle d’une plus grande démocratie. Si cette dernière se produit, elle le sera sous la pression et non pas octroyée.
Le nouveau Premier ministre chinois a soixante-dix ans. Né le 20 octobre 1928 à Changcha (Hunan), orphelin dès sa plus tendre enfance, il fait ses études à l’université Qinghua de Pékin, se spécialisant dans les moteurs électriques. Il adhère au Parti communiste en octobre 1949, à l’âge de 21 ans. Il est élu, en mars 1951, président de l’Union des étudiants, année où il obtient son diplôme. Il commence sa carrière au bureau de planification du département industriel du gouvernement populaire de la Chine du Nord-Est. Il y reste deux ans et devient adjoint d’une division de la Commission d’État du Plan. Dans le climat d’impression de liberté de la campagne dite des Cent Fleurs, il se permet, dans un discours, trois minutes de critique du système et d’apologie des réformes en Hongrie et en Yougoslavie, ce qui lui vaut d’être catalogué comme « droitier » et d’être expulsé du parti. Cette étiquette ne lui sera ôtée qu’en 1979. Il est affecté au ministère du Pétrole en 1975, puis il est nommé, en 1978, directeur de l’Institut des économies industrielles, dépendant de l’Académie des sciences. Il continue sa carrière au sein de la Commission nationale économique. Expert en planification, il devient l’un des principaux artisans de la réforme industrielle, puis vice-ministre de la Commission d’État de l’Économie le 25 août 1983. Entré au Comité central comme membre suppléant en 1987, il est transféré à Shanghai pour y être secrétaire adjoint du comité du parti, en février 1988. Il est élu maire de Shanghai, à la place de Jiang Zemin, le 25 avril 1988. Ses succès auprès des investisseurs étrangers mettent à son avantage toute comparaison avec Jiang Zemin qu’il remplace, en août 1989, à la direction du comité du parti de Shanghai, quand Jiang est choisi pour remplacer le secrétaire général Zhao Ziyang. Qualifié de pragmatique, voire de libéral, il est élu vice-Premier ministre à l’occasion de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire (ANP) le 8 avril 1991, chargé des problèmes de production industrielle, des investissements étrangers et du commerce extérieur. En juin 1991, le Comité gouvernemental de la production qu’il dirige est remplacé par un bureau de la production dont Zhu Rongji prend la direction, grâce à l’appui de Deng Xiaoping. En novembre 1991, il accède au bureau politique malgré l’opposition des conservateurs en raison de son passé de « droitier ». L’intervention de ce dernier, sorti de sa retraite en février 1992, le fait apparaître comme le grand vainqueur de cette offensive pour relancer les réformes que les conservateurs, revenus en force en 1989, avaient gelées. Le 16 mai 1992, son bureau de la production est remplacé par un bureau de l’économie et du commerce aux pouvoirs étendus, chargé de l’accélération des réformes.
À l’occasion du XIVe congrès du PCC, en octobre 1992, Zhu accède au Comité permanent du bureau politique, le club des sept patrons du parti, signe manifeste de l’appui de Deng Xiaoping sur ses rivaux conservateurs. Le 30 octobre suivant, il est nommé vice-Premier ministre exécutif, à la place du conservateur Yao Yilin, fidèle allié de Li Peng. Zhu Rongji est devenu la bête noire des conservateurs. La VIIIe ANP élit un nouveau gouvernement le 29 mars 1993. Li Peng est maintenu dans ses fonctions, mais perd toute autorité sur l’économie au profit de Zhu Rongji qui devient premier vice-Premier ministre chargé de superviser les questions économiques. Le 2 juillet suivant, Li Guixian est limogé de son poste de gouverneur de la Banque populaire de Chine et Zhu Rongji ajoute cette fonction à ses nombreuses responsabilités. Le succès de ses réformes économiques est évident. Il a su faire rentrer dans les caisses centrales les impôts et taxes que les provinces cherchaient à garder pour elles. Après plusieurs années de surchauffe, il a assuré ce qu’on a appelé « l’atterrissage en douceur » de l’économie chinoise. Finalement, après une période de doute, et malgré les concurrents apparus (Li Lanqing, Qian Qichen, Wu Bangguo…), le XVe congrès le place numéro trois dans la hiérarchie du parti, le 19 septembre 1997. La IXe ANP le nomme Premier ministre le 17 mars 1998.
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