Économique
Au moment où nous rédigeons cette chronique (13 août 1951), il serait encore imprudent de vouloir tirer de la déclaration présidentielle de M. Pleven, les éléments d’un programme précis. De même, il serait prématuré d’envisager ici les conséquences du réarmement sur la situation des finances publiques. Examinons plutôt où en est le problème le plus irritant de cette époque, celui des prix et des salaires. Contrairement à l’opinion que pourrait faire naître la lecture de la phraséologie parlementaire et syndicale, ce problème ne se pose pas, nous allons le voir, dans des termes graves. Faisons abstraction des déclarations incendiaires qui prétendent démontrer un affaiblissement catastrophique du pouvoir d’achat depuis un an, et cherchons de bonne foi dans quelle mesure les statistiques disponibles peuvent nous renseigner sur les données du problème.
Si l’utilisation des données statistiques est toujours délicate – car elle suppose, outre une probité intellectuelle totale, un minimum d’intelligence – elle présente des difficultés particulières en matière de prix et de salaires à l’heure actuelle, de nombreux indices, inégalement significatifs, pouvant être utilisés. En outre, depuis la loi de février 1950, le retour aux conventions collectives ne permet plus de faire état de mouvements généraux à peu près uniformes. Enfin, pour évaluer l’évolution du pouvoir d’achat au cours d’une certaine période, il faut prendre garde d’utiliser des bases de départ correspondant à la nature des choses. Ainsi, les réajustements de salaires opérés au cours de l’été et de l’automne 1950 se sont fondés sur les niveaux de prix existant en juin-juillet 1950. On doit donc admettre qu’une situation à peu près équilibrée a été réalisée entre les prix de juin-juillet 1950 et les niveaux des salaires atteints quelques mois plus tard, à la suite des réajustements, soit en octobre 1950. Quelle a été l’évolution suivie depuis lors par les prix et les salaires ?
Faute d’indice du coût de la vie proprement dit, reportons-nous à l’indice des prix à la consommation familiale à Paris, pour une famille de condition modeste. De juin 1950 à juillet 1951, cet indice est passé de 106,9 à 130 (base 100 en 1949), soit une hausse de 21,6 %, obtenue par une hausse continue de l’indice général, tandis que l’indice partiel des 41 denrées alimentaires est redescendu, de mai à juillet 1951, de 129,4 à 126,9. En présence de cette hausse, le salaire minimum interprofessionnel garanti a subi une élévation au mois de mars. Son niveau, abstraction faite de la prime de transport, avait été fixé, pour Paris, à 15 600 francs en août 1950 ; il a été porté à 17 400 en mars, soit une hausse de 11,54 %. Pour le mettre en rapport avec l’évolution des prix de détail depuis juin 1951, il faudrait lui faire subir une augmentation de 21,6 %, le portant à 18 970 francs, soit une hausse de 9 % sur le niveau actuel. Mais ce salaire n’est qu’un « plancher » au-dessous duquel aucune rémunération ne doit descendre, et qui intéresse seulement une minorité d’individus. L’ensemble des salaires a, en fait, suivi de beaucoup plus près la hausse des prix.
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