Le lawfare est un enjeu devenu essentiel dans les conflits armés. La production de normes contraignantes ou la légitimation juridique de certaines pratiques sont utilisées par nos compétiteurs stratégiques. Il y a désormais une véritable guerre du droit, le juriste devenant un acteur des batailles du XXIe siècle.
Le lawfare, où la nouvelle place du droit dans les conflits armés
Lawfare, or the New Place of the Law in Armed Conflicts
Lawfare is now an essential element of armed conflict. The constraints resulting from the many standards that have been generated, and the legal legitimacy of certain practices are exploited by our strategic competitors. We are witnessing what has become a legal war, in which lawyers take part in the battles of the 21st century.
Le lawfare est un terme à la mode. Régulièrement évoqué, au point même d’être repris par certains politiques, il est devenu un véritable slogan. Cependant, à l’heure d’un renouveau dans la réflexion sur la conflictualité, qui voit fleurir des termes tels que ceux de « cognitive warfare » ou « political warfare », il ne paraît pas inutile de chercher à mieux en saisir les ressorts pour ne pas se laisser illusionner par des effets de mode et en comprendre toute la portée.
Le terme a émergé au début des années 2000, sous la plume du général américain (air) Charles Dunlap qui le définit comme l’utilisation du droit en substitution à des moyens de guerre conventionnels afin d’atteindre des objectifs opérationnels (1). Actant que le droit prend une place de plus en plus importante dans les conflits, et illustrant son propos par des exemples tirés de conflits asymétriques où le respect des principes de droit humanitaire est exploité par un belligérant pour mieux contraindre son adversaire, l’auteur affirme que la chose juridique peut être utilisée comme une arme sur le champ de bataille et invite à considérer qu’au-delà des ressorts moraux sous-jacents, l’appréhension du droit dans les conflits constitue un « impératif pratique et pragmatique intimement associé au succès de la mission » (2).
Le concept reste toutefois fortement polémique, car il est vu par beaucoup comme une simple instrumentalisation du droit. Il se résumerait à l’illégalité dont on accuse l’adversaire, qui détourne la norme, l’instrumentalise, pour mieux satisfaire ses propres intérêts. C’est notamment une vision développée à l’excès par quelques auteurs et officiels américains qui ont, par exemple, qualifié les efforts entrepris par des avocats pour défendre les droits de détenus de la base navale américaine de Guantánamo (Cuba) comme de véritables actions de lawfare (3), voire comme une manipulation de l’état de droit (4).
Il reste 91 % de l'article à lire
Plan de l'article







