L’eau est devenue une ressource vitale et de ce fait un enjeu stratégique global qui doit être pris en compte dans les politiques de résilience. Cela exige de définir une véritable dynamique autour des questions hydrauliques tant au niveau de la France que de l’Europe. Il s’agit d’organiser la rareté croissante pour préserver notre liberté d’action.
L’eau, ligne de front stratégique : pour une politique hydraulique de puissance
Water—the Strategic Front Line: A Call for a Power-Driven Water Policy
Water is a vital resource and hence a global strategic challenge which needs to be taken into account when drafting policies of resilience. This requires creating the incentive to deal with water matters at both French and European levels, which in turn means managing the growing scarcity of the resource to maintain our freedom of action.
Le XXIe siècle sera hydropolitique. Sous l’effet combiné du réchauffement, de l’urbanisation et de la reconfiguration des chaînes de valeur, l’eau cesse désormais d’être un simple service public pour devenir un actif stratégique qui conditionne la sécurité, la croissance et la stabilité des États (1). Pour la France et l’Europe, l’enjeu n’est pas d’opposer écologie et puissance : il s’agit d’organiser une politique hydraulique de souveraineté, capable de protéger nos sociétés, d’armer notre industrie, de sécuriser nos opérations et d’influencer nos voisinages. Tenir compte de cette dimension stratégique permettra aux États de prévenir les crises hydriques, économiques et géopolitiques, et de faire de la maîtrise de l’eau un levier de puissance et de souveraineté nationale.
Le stress hydrique agit comme un multiplicateur de risques. Il exacerbe les tensions agricoles, fragilise les villes, déstabilise des États déjà vulnérables et alimente des mouvements migratoires. Selon la base de données Aquastat de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’agriculture représente en moyenne près de 70 % des prélèvements mondiaux en eau douce, avec des disparités régionales marquées qui accentuent les tensions dans les zones arides et semi-arides (2). Il pèse sur l’énergie, la santé, la production industrielle et la cohésion sociale. Selon la Cour des comptes, assurer une gestion quantitative durable de l’eau face au changement climatique est devenu un impératif stratégique pour la sécurité et la résilience des territoires (3). Par ailleurs, à l’échelle internationale, les grands bassins transfrontaliers sont devenus des lieux de compétition silencieuse, où se mêlent aménagements hydrauliques, arbitrages énergétiques, financements d’influence et velléités d’appropriation.
Cette réalité n’est ni lointaine ni théorique. Elle touche le pourtour méditerranéen, le Sahel, la Corne de l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie centrale et méridionale. Elle touche aussi l’Europe par ricochet, via les chocs sur les marchés agro-alimentaires, l’électricité, les matières premières, et par l’exposition directe de nos territoires aux sécheresses, inondations et intrusions salines.
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