Au-delà des injonctions morales, l’Europe possède un levier de puissance singulier : la norme. Après le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui a redéfini l’économie numérique mondiale, un « RGPD climatique » peut transformer la lutte contre le réchauffement en avantage stratégique. Il offrirait une lisibilité nouvelle des responsabilités, renforcerait la résilience des forces et de l’industrie de défense, et ancrerait l’autonomie stratégique européenne dans des chaînes de valeur compatibles avec les contraintes énergétiques de demain.

Sous l’effet combiné du réchauffement et de la complexité des chaînes de valeur, tenir compte de cette dimension stratégique permettrait de transformer une contrainte globale en un levier de souveraineté, tout en orientant l’innovation et les investissements vers des solutions opérationnellement pertinentes et durables.

La sécurité internationale se joue désormais sous contrainte climatique. Le réchauffement amplifie tensions hydriques, migrations et instabilités politiques ; il perturbe les infrastructures critiques et renchérit l’énergie. Il est devenu évident que la visibilité sur les impacts climatiques et les responsabilités des acteurs sont tout aussi stratégiques que la maîtrise des flux physiques. Pour toute puissance, l’énergie est une munition. Le coût logistique d’un litre de carburant livré en zone d’opération résume cette évidence : la dépendance énergétique dilate les vulnérabilités tactiques et affaiblit la liberté d’action. À l’arrière, l’industrie de défense subit l’onde de choc des prix de l’électricité et des matières, tandis que les exigences des investisseurs et des donneurs d’ordres évoluent à grande vitesse.